L'archétype de la Mère

Les figures de mères, dans les contes de fée, les mythes et les rêves, se rencontrent sous une grande variété de formes, des plus plaisantes aux plus terrifiantes.

Les figures de mères, dans les contes de fée, les mythes et les rêves, se rencontrent sous une grande variété de formes, des plus plaisantes aux plus terrifiantes. Ainsi la figure de la mère peut être très positive et se rencontrer sous l’image de la mère bonne, douce et nourricière, la mère féconde et généreuse. La bonne grand-mère, la Terre-Mère, la marraine, la fée sont autant de déclinaisons possibles de cette figure maternelle qui protège, rassure, pourvoie aux besoins de la personne dont elle prend soin. A contrario la figure de la mère peut être plus négative, ainsi en est-il de la marâtre et, à un niveau plus sombre, de la fée colérique et jalouse, de la sorcière ou de l’ogresse dévoreuse d’enfants.

Ces figures maternelles, à la palette très large et contrastée, sont très différentes des mères réelles que nous connaissons ou que nous sommes, car elles ont généralement des attributs qui sont en-deçà ou au-delà de l’humain. En effet leurs caractéristiques sont amplifiées, ce qui est le propre de l’archétype. Toutefois chaque personne, homme ou femme, porte en elle-même, dans les couches profondes de son inconscient, ces archétypes de la mère, en positif et en négatif. Bien-sûr la relation à l’archétype sera différente selon que l’on est un homme ou une femme. Peut-être avez-vous déjà rencontré ces images de mères dans vos rêves ?  Parfois, dans la vie concrète, certaines personnes incarnent de tels archétypes, de manière plus ou moins prononcée et plus ou moins consciemment.

Revenons à la signification de l’image de la Mère. L’étymologie du mot mère, en latin mater, a donné également le mot matière, la mère est donc aussi en lien avec le corps, la matérialité, l’incarnation, la Mère Nature. Le principe maternel est au fondement de toute vie humaine : personne ne provient du néant, tout le monde est né d’une mère. La mère précède l’enfant, elle lui ʺdonneʺ corps. Dans le langage psychologique, l’image primordiale de la mère fait référence à l’inconscient. Tout comme la mère précède l’enfant, l’inconscient précède le conscient et lui donne ʺcorpsʺ. La mère symbolise donc la partie de la psyché inconsciente, encore entièrement naturelle, non modelée ou réprimée par la culture. Cette psyché inconsciente, instinctive, proche de la nature est très liée au corps, ce corps qui parfois nous alerte mieux que notre esprit ou notre mental mais que nous n’avons pas appris à écouter. Le corps n’est pas qu’instincts primaires mais il est aussi, et peut-être avant tout, intuition profonde et spirituelle. En nous mettant à son écoute nous pouvons accéder à de précieuses informations qui nous alertent, nous guident, nous protègent. Nous pouvons aussi lier à l’image mère, l’autorité magique du féminin, la sagesse, l’élévation spirituelle au-delà de l’intellect, tout ce qui est bon, protecteur, patient, tout ce qui soutient, favorise la croissance, la fécondité, l’alimentation. Un lieu de transformation magique, de renaissance, telle une grotte, un puit, représente aussi une image mère. Le sein protecteur est, avant la naissance, la matrice dans laquelle croît l’être en devenir, non encore visible. A cet égard l’image mère est aussi en lien avec ce qu’il y a de secret, de caché, d’obscur, avec ce qui croît dans l’invisible. Mais la matrice peut devenir tombeau et derrière ce féminin sacré protecteur se cache toujours une figure plus ambivalente, voire dangereuse. La mère donne vie, et par ce fait, a une profonde proximité avec la mort, car toute vie est vouée à la mort. Elle peut représenter un féminin obscur, dangereux, jaloux, dévorateur et destructeur. Ce féminin mis au rebus de nos conscients car angoissant et inquiétant, est pourtant bien vivant dans les couches profondes de nos psychés. Un archétype, quel qu’il soit, est d’ailleurs source de vie lorsqu’il rayonne sa part de lumière et d’ombre tout à la fois.

L’un des plus beaux contes qui nous présente cette palette contrastée du féminin maternel, de la figure la plus protectrice à la figure la plus terrifiante et inhumaine en passant par une figure humaine peu avenante, est le conte russe, Vassilissa la Très Belle, recensé par Alexandre Afanassiev. Les différentes images de la mère présentes dans ce conte sont toutes trois indispensables à la pleine réalisation de Vassilissa, à son plein accomplissement, à l’accession à sa propre maturité féminine, une maturité féminine qui rayonne la bonté parce-que Vassilissa s’est confrontée à la part la plus obscure et impersonnelle de son féminin intérieur.

Sachez qu’en astrologie le féminin maternel est représenté par la Lune.

Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet ? Je vous invite à lire le livre de Sibylle Birkhäuser-Oeri et Marie-Louise van Franz, La Mère dans les contes de fées, éd. La Fontaine de Pierre, 2014.